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SILENZIO


Jean-François Spricigo SILENZIO 2006 96 pages 17 x 12 cm 13.00


C’est du blanc, du gris et du noir. Bien sûr, face à elles, on peut se sentir mal à l’aise, mélancolique, regarder ailleurs… parce que dehors au moins il fait beau. On peut rire jaune parce qu’elles sonnent trop familier… on aime imaginer autre chose. […]


[…] On peut rire vert parce qu’elles rendent malade : pas de complaisance pour se prendre en pitié. / Mais ces photos, Monsieur, pourquoi ne pas leur sourire ? / Ces images, elles sont intimes comme des vacances en solitaire : il y a de l’eau et des vagues, grises à force d’être bleues. Et ces chiens qui ont le courage de ne pas être écrasés, ces chiens avec toutes ces jolies choses dans les yeux… Il y a des enfants, qui courent plutôt que de savoir où aller. Des jeunes femmes, des reflets. La beauté se devine plus qu’elle ne s’expose. Des gens qui attendent et s’ennuient, peut-être parce qu’ils n’ont pas de jeu de cartes, peut-être parce qu’ils sont déjà morts. Des fils électriques dans le ciel. Des ruines. Des drapés. Encore des ruines. Vous avez raison : on pourrait parler du tragique de ces images, de la tension entre la tristesse voilée et l’humour éclatant… Ça crève assez les yeux pour être tu. / Allez-y Monsieur, regardez-les bien, regardez-les encore ces photos. / C’est plus touchant qu’un album de famille… parce qu’on ne reconnaît personne.

Un pays singulier s’avance vers celui qui regarde les photographies de Jean-François Spricigo. D’abord on recule un peu puis, image après image, on se sent prisonnier d’un univers qui impose ses lois, ses courbes, ses lumières comme ses obscurités. Une mer granuleuse y frappe des digues, des bovins équarris s’ouvrent comme des orchidées, un chien loup fixe un visiteur absent, un lac brille sous les branches des arbres, des silhouettes d’hommes et de femmes tremblent, immobiles et évanescentes, dédoublées par la nuit, comme mortes et pourtant bien vivantes. D’où vient qu’au milieu de ces corps et de ces visages déchirés par des éclats de cristal et par des noirs profonds, glissant sans cesse d’une surface à une autre, on ne se perde cependant jamais sinon le temps furtif d’un vertige, à chaque fois que l’on tourne la page ? C’est que les photographies de Jean-François Spricigo mettent en place le chiffre d’un territoire d’une inquiétante cohérence. On sait depuis longtemps combien la photographie est à la fois une question de regard sur le monde qui nous entoure et en même temps une plongée sur nos abîmes intérieurs. Jean-François Spricigo l’a bien compris qui, pour résoudre cette équation du dehors et du dedans, a inventé cette synthèse surprenante. La noirceur de son trait protège un pays d’ombres où, dans l’épaisseur du temps, la musique des souvenirs et des émotions revient nous troubler avec une précision inattendue. Ses photographies inventent un pays singulier où chacun est invité à entrer à pas de loup, avec ses propres images intérieures. Il suffit de pousser la porte. Et de décider qu’on n’a plus peur de rien.

Angles vifs est une nouvelle série de livres de photographie, un coin saillant du Côté photo des éditions Yellow Now. Chaque ouvrage présentera un travail photographique sous forme d’essai visuel (de manière précise, compilatoire ou focalisée mais cadrée sur le plan esthétique et thématique), accompagné de courts textes critiques ou d’entretiens. Chaque volume constituera le plus souvent une première expérience éditoriale et nourrira le projet d’ouvrir des yeux, des portes, des mondes, des langages, à angle vif.






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