Marc-Emmanuel Mélon
ROB ROMBOUT
La mise en scène du réel
256 pages /// Format 24 x 17 cm
Illustr. n & b et coul. /// couv. Integra
Collection : Côté cinéma
ISBN 9782873404802
2022
24,00 €
Étant entendu que tout film de fiction a sa part documentaire et tout film documentaire sa part de fiction, il reste, pour sortir le débat de la confusion qu’il suscite, à examiner les multiples modalités de cet échange. Le cinéma de Rob Rombout, qui ne s’inscrit pleinement dans aucune des deux catégories mais se situe dans l’intervalle très large qui les sépare, se prête particulièrement à cet examen. Pour ce cinéaste vivant à Bruxelles mais voyageant et travaillant sur tous les continents depuis trente ans, réaliser un film ne consiste ni à construire un univers né de son imagination ni à capter une réalité quelconque derrière laquelle il s’effacerait, mais à rassembler des fragments épars de réalité à la façon d’un pêcheur rapportant dans son filet des poissons de toutes espèces, et à les disposer à sa guise sur l’étal de son film.
Chaque film de Rob Rombout est un voyage sur une distance qui peut être longue (parfois aux antipodes), au cours duquel le cinéaste multiplie les rencontres avec des gens qui racontent leur histoire. Certains expriment avec fierté le bonheur d’avoir vécu la vie qu’ils voulaient, tandis que d’autres témoignent des difficultés rencontrées à vouloir échapper aux contraintes de l’existence, qu’elles soient matérielles, sociales, raciales, affectives ou culturelles. Tous ont fini par accepter leur sort.
Ces microrécits de vie qui questionnent la thématique récurrente du destin et de la liberté s’inscrivent dans un dispositif établi a priori par le cinéaste pour nouer des liens entre tous ces fragments. Il y a le film « corde à linge » qui tend un fil entre deux pôles et y accroche les récits divers de quelques voyageurs ; le film « dentelle » qui entrelace ses mailles entre plusieurs personnages qui ne se connaissent pas ; le film « étoile » dont chaque branche est associée à un point central auquel le film revient à intervalles réguliers ; le film « constellation » qui, sur un territoire parfois aussi vaste qu’un continent, dessine une figure imaginaire entre des lieux choisis arbitrairement, qui n’ont d’autres rapports entre eux que le fait de s’appeler « Amsterdam ».
D’une intention artistique aussi affirmée qui intègre des fragments de réel dans des architectures savamment construites naissent des films « de style documentaire » (comme le disait Walker Evans à propos de son travail photographique) répondant toujours à une exigence artistique qui prime sur les réalités filmées autant que sur le discours que le cinéaste leur porte. Pour Rob Rombout, faire du cinéma revient toujours à faire œuvre.
Le livre adopte une structure aussi diversifiée que le cinéma de Rob Rombout. Un premier texte envisage globalement les enjeux esthétiques de l’œuvre. Suivent ensuite les analyses approfondies d’une dizaine de films majeurs, illustrées de photogrammes et de photos de repérage et complétées par des interventions du cinéaste qui, interrogé par Guy Jungblut, détaille une multitude d’aspects de son travail en termes de production, de méthodes et de choix stylistiques.
L’ouvrage est, par ailleurs, émaillé de codes QR qui donnent accès à des extraits de films.
Au sommaire
Le style documentaire de Rob Rombout /// Entre deux tours, 1987. Allégorie /// Nord Express, 1990. Un voyage dans l’histoire /// Transatlantique. Queen Elizabeth II, 1992. Une ville flottante /// L’Île noire, 1994. Un microcosme /// Les Açores de Madredeus, 1995. Exercice de style /// Canton la chinoise, 2001, coréalisation Robert Cahen. Esthétique de la confusion /// Le Piège de Kerguelen, 2000. Un miroir aux alouettes /// Les Passagers de l’Alsace, 2002. Un manifeste /// Amsterdam via Amsterdam, 2004, coréalisation Rogier van Eck. Sortir du cadre pour savourer la vie /// Amsterdam Stories USA, 2012, coréalisation Rogier van Eck. Un portrait de l’Amérique ordinaire /// Sur les traces de Robert van Gulick, 2016. Un portrait composite /// Filmographie.
L’auteur
Marc-Emmanuel Mélon est professeur à l’université de Liège où il enseigne l’histoire et l’esthétique du cinéma, de la photographie et des arts visuels. Ses recherches et ses publications portent notamment sur le cinéma, la photographie et l’art vidéo en Belgique, sur l’allégorie visuelle, sur le discours photographique, sur la photographie vernaculaire et sur le cinéma d’Alfred Hitchcock.
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